CÔTE D'OR
Rousseau, le tonnelier, partenaire incontournable du vigneron
Par Nadège HUBERT
Publié le 20 Août 2022 à 17h49
Que ce soit à Gevrey-Chambertin ou Couchey, les vignes ne sont jamais loin des ateliers de la Tonnellerie Rousseau. Pour garantir une parfaite adéquation entre le contenant et le contenu, la troisième génération à la tête de l’entreprise sélectionne avec soin ses bois et définit la méthode la plus adaptée pour concevoir le tonneau en lien avec les vignerons.
Dès l’entrée de la Tonnellerie Rousseau à Gevrey-Chambertin, un immense tonneau accueille le visiteur. En pénétrant dans l’atelier, l’odeur de bois s’immisce dans les narines tandis que le regard se porte sur des tonneaux à différentes phases de leur fabrication. Pour autant, la première étape se déroule à l’extérieur. « Nous achetons du bois, des centaines voire des milliers de mètres cubes, principalement du chêne qui a entre 150 et 200 ans, auprès de fournisseurs majoritairement français, dans le Jura, les Vosges, l’Allier… De façon anecdotique, nous prenons du chêne américain ou d’Europe de l’Est » détaille Frédéric Rousseau, directeur général des Tonnellerie Rousseau.
A la tête de l’entreprise avec son frère Jean-Christophe, ils représentent tous deux la troisième génération à diriger la société créée en 1954. Une fois reçu en forme de plot, un plateau de bois coupé dans la longueur, la matière première passe deux ans empilée dehors avant d’être débitée. Cette seconde étape consiste à enlever l’aubier, le bord de la planche, ainsi que le cœur et à couper le bois selon l’orientation du fil du bois. « Ces longs plots se destinent aux grands contenants de longue durée, les foudres, ou pour des cuves de vinification du raisin. Le bois restant sera utilisé pour les pièces de calage ou la décoration.
Les chutes serviront pour la chauffe des tonneaux. On essaie de ne rien perdre. » Coupé en différentes longueurs, le bois retourne dehors, empilé par taille et qualité de bois, pour une nouvelle période de deux ans afin d’atteindre sa maturité. « En vieillissant, le bois change de couleur. La pluie le lave de ses tanins agressifs ou grossiers. »
Au feu !
« Selon les veines, le rayon médullaire et le grain, le bois sera affecté à différents types de tonneau. Et selon la position du bois dans l’arbre, nous l’utilisons à différents endroits du tonneau ou sur différents produits. On fait du tonneau sur-mesure » insiste Frédéric Rousseau.
Les objectifs des clients vignerons sont pris en compte. Les Tonnelleries Rousseau s’enquièrent du vin auquel se destine le tonneau, du volume souhaité mais aussi du lieu où il sera installé. « Est-ce une cave ou une cuverie, y a-t-il des portes à passer pour l’acheminer, faudra -t-il le démonter et le reconstituer à l’intérieur. » Avant d’être chauffé, le bois est évidé pour ne pas contenir de résidus à l’intérieur du tonneau. Le tonneau va également être jointé pour que les pièces s’emboîtent avec un angle de jointage qui garantira son étanchéité, mission première du tonneau. Préparé sous forme de kit, la carcasse va être ceinturée puis chauffée.
Outre le bois, la chauffe va également varier selon les attentes. Il faut grimper sur un escabeau pour vérifier que le four installé au cœur du tonneau est alimenté par les chutes de chêne tandis qu’une main sur le bois du tonneau suffit à sentir la chaleur faire son œuvre. Cette nouvelle étape vise à extraire les arômes du bois selon les souhaits du viticulteur : un vin allongé, avec du volume en bouche ou un goût de torréfaction. Cette opération va travailler et assouplir le bois tandis que les tonneliers resserrent le ceintrage à grand coup de marteau pour obtenir la forme et le gabarit attendu.
Deux tonneliers se relaient au manche pour taper sur le cerclage avec la force nécessaire, tournant autour du tonneau sur une estrade de planche formée autour de la pièce de bois. « Nous retournons le tonneau pendant la chauffe pour que ce soit uniforme. »
Prêt à livrer
Avec une longue expérience de la tonnellerie, Frédéric Rousseau et son équipe d’une cinquantaine de salariés savent identifier le parfait accord bois / vin. « On sait se projeter mais on ne tombe pas toujours juste du premier coup, on fait des ajustements car le fruit ne réagit pas chaque fois de la même manière au bois. »
Après la chauffe, l’intérieur du tonneau se pare d’une teinte brune. L’étape suivante consiste à assembler le fond du tonneau qu’une jeune femme a préparé à coup de marteau sur les chevilles en bois. L’opération se fait à la main en foudrerie, pour les tonneaux de 600 à 10 000 litres, et par l’intermédiaire d’une machine sur le site de Couchey, pour la tonnellerie, de 114 à 600 litres.
Constitué, le tonneau passe à l’étape du ponçage et au cerclage, un ruban d’inox ou de métal commandé au gabarit du produit auprès d’un fournisseur en Saône-et-Loire. L’esthétique dépend là encore des souhaits des clients. Les ouvriers de l’atelier enchainent avec une opération de vernissage alimentaire à l’extérieur du tonneau. « Cela permet de garder un aspect neuf et de plus facilement nettoyer le tonneau. » Une fois cerclé et vernis, le foudre ou le tonneau subissent un contrôle d’étanchéité, remplis d’eau.
Les grosses pièces passent ensuite à l’étape de la réalisation d’une pièce de calage adaptée avant d’être livré au client. « Les tonneaux qui sont ici serviront pour les vendanges 2022 pour accueillir la nouvelle récolte. Notre pic d’activité s’étend de juin à octobre et nous fournissons en fonction des vendanges et des mises en fûts selon les régions et les pratiques. »
Le tonnelier intervient aussi pour rénover certains contenants afin de leur donnée une nouvelle vie viticole. Un foudre a une durée de vie d’au moins dix ans, cinq pour un tonneau. Une fois qu’il sort de l’atelier pour rejoindre un domaine et être mis en service, les équipes de la Tonnellerie Rousseau retournent sur le site au bout d’un an pour s’assurer que le résultat attendu est au rendez-vous. « Nous y allons en amont pour comprendre la méthode d’élaboration du vin, les objectifs et nous y retournons pour le mettre en route, faire des essais puis après pour voir si cela convient et faire des ajustements si nécessaire. » Un véritable travail de précision avec de produits vivants et variables que sont le bois et la vigne.
Le tonneau au service de tous les vin
« Chaque tonneau porte l’empreinte du tonnelier, sa signature. Elle repose sur le bois choisi, la méthode d’affinage, le ceintrage, la cuisson et la finition. » Les Tonnelleries Rousseau fournissent des domaines en Bourgogne, sur la Côte de Nuits ou la Côte de Beaune, bien sûr, mais aussi dans le Bordelais, la Champagne, les Côtes de Provence, la Corse, l’Alsace… pourtant, l’entreprise réalise près de 60% de son chiffre d’affaires à l’export.
« Un fût coûte entre 700 et 900 euros, un foudre entre 10 000 et 20 000 euros selon sa taille notamment. Chaque année, la Tonnellerie réalise environ 10 000 unités de tonnellerie et 250 cuves ou foudres. « Il faut une centaine d’heures de travail pour fabriquer un foudre et trois heures environ pour un fût. » Devant les difficultés à se fournir en inox et en métal pour le cerclage, le tonnelier a constamment dû revoir les plannings de fabrication depuis le début de l’année. Malgré ses difficultés, Frédéric Rousseau garde en ligne de mire son objectif : « Contribuer à la valorisation du vin et à l’embellissement de la cave. »
Nadège Hubert
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