BOURGOGNE
Le voile islamique contre la laïcité
Par Nathalie DUNAND
Publié le 10 Novembre 2022 à 09h27

Sonya Zadig habite en Bourgogne. Psychologue clinicienne, psychanalyste et écrivaine, celle qui a grandi en Tunisie a choisi très tôt la France pour advenir en tant que femme.
Ses romans sont à la fois une ode au féminisme et un cri d’alerte : jusqu’où nous “voilerons-nous la face” ? Info-Beaune l’a rencontrée à l’occasion de la parution de son 4e roman.
Info-Beaune : Vous êtes née en Tunisie, vous l’avez fuie à l’âge de 15 ans. Pourquoi ?
Sonya Zadig : La réponse tient en ces mots : j’ai fui un destin qui me vouait à être exclusivement épouse et mère. Le statut de mère est le plus enviable dans l’Islam parce qu’elle donne des croyants à l’Oumma, la communauté des musulmans, tandis que les hommes retrouveront au paradis des “houris”, des femmes inentamées, des jeunes filles vierges…
En terre d’Islam, la place de la femme est bien définie : elle est sous l’emprise des hommes. Lorsqu’elle est mineure, la fille est sous le joug du père et des frères. On lui répète « Ton hymen est ton bien le plus précieux. » Plus tard, elle est sous la domination de son mari. Elle est conditionnée pour devenir mère, il n’y a pas de retour.
Info-Beaune : Fille-épouse-mère. Et la femme, quelle est sa place ?
Sonya Zadig : Précisément, la femme est réduite à son corps. Sa féminité doit être muselée, cachée. C’est la signification du voile en Islam : faire taire le féminin. Le corps de la femme est tabouisé. Parce qu’il peut susciter le désir, il est vu comme dangereux. Dans le Coran, la femme est la figure du diable, mais le paradis est à ses pieds si elle devient mère. C’est ce que j’exprime dans mon premier roman (1) : soit vous êtes une épouse et mère, soit vous êtes une proie sexuelle. Il n’y a pas d’intermédiaire. La femme émancipée n’existe pas. L’Islam porte en sa matrice la certitude de l’infériorité du sexe féminin.
Récemment, en Iran, la jeune Mahsa Amina a été assassinée parce que son voile était mal ajusté, parce qu’il ne cachait pas intégralement sa chevelure. Il faut un immense courage à ces femmes musulmanes qui ont osé brûler leur voile et couper leurs cheveux. Même si – j’en ai parlé avec Élisabeth Badinter –, il eût presque mieux valu arborer fièrement sa chevelure…
Info-Beaune : Pourtant, en France, de plus en plus de femmes, souvent jeunes, portent le voile. Comment l’interprétez-vous ?
Sonya Zadig : Ici, en tout cas pour les Françaises de confession musulmane, le voile est un étendard identitaire. Une façon de dire : « Mon identité est arabo-musulmane et je le montre. » C’est un drapeau, une revendication identitaire. Un « Nous » contre « Vous ».
Saviez-vous que, parmi les djihadistes français partis en masse pour aller combattre en Syrie, on a retrouvé L’Islam pour les Nuls dans leurs bagages ? Celles et ceux qui prétendent connaître l’Islam sans parler la langue arabe ne peuvent en saisir le sens profond.
Je dois tout à la France, mon pays d’adoption, le pays “des Lumières” et je me bats pour le respect de la laïcité. Car la laïcité protège des dérives d’une religion tout en protégeant la foi. Et je pense que la foi doit être vécue dans la sphère intime.
Quand j’entends « Je suis libre de porter le voile », j’y vois une méconnaissance et un repli évident. C’est là que l’enseignement a tout son rôle à jouer.
Info-Beaune : Comment comprendre ce désir d’appartenance ?
Sonya Zadig : L’Oumma est une matrice, elle vous prend totalement en charge. Elle vous dit comment penser, vivre, se laver, faire l’amour… Il y a un aspect communautaire très marqué et rassurant quand on se cherche : vous devenez “frère” ou “sœur”. Bref, on vous offre une identité sur un plateau.
Mais autant l’Islam est une religion prosélyte, qui ouvre grand ses portes à tout croyant d’une autre religion, autant elle punira ceux qui sont nés en son sein s’ils veulent la commenter, la critiquer ou s’en éloigner. Ceux qui osent revendiquer leur athéisme sont voués à être assassinés, c’est écrit noir sur blanc dans le “texte sacré”. L’apostasie est passible de mort.
Info-Beaune : Soumise et À corps perdu sont des autofictions dans lesquelles vous racontez votre enfance et votre adolescence en Tunisie. Quel message voulez-vous faire passer aux femmes ?
Sonya Zadig : Je suis une femme née en terre d’Islam, une femme qui connaît l’Islam de l’intérieur. Je connais sa langue, je l’ai chantée, elle m’a façonnée. Dans ces romans, je mets mon histoire en scène, mais c’est aussi celle de nombre de femmes, même en France. J’ai connu la Tunisie libre, grandi au milieu de femmes qui n’étaient pas voilées. Puis il y a eu le printemps arabe et la révolution a accouché d’un voile. C’est un appel à la résistance et à l’espoir. Je dis aux femmes musulmanes : dévoilez-vous ! Parlez ! Dites ce qu’il en est ! Parce que la femme est précisément la courroie de transmission de l’Oumma, c’est par elle que tout se jouera.
Je ne crois pas du tout au féminisme islamique. Une féministe voilée, c’est un aporisme (problème dont la solution est impossible, NDLR).
Je dis aux femmes musulmanes : reprenez le contrôle de votre corps. Je suis certaine qu’une femme éclairée ne peut se voiler par choix.
Info-Beaune : Et quel message à nos gouvernants ?
Sonya Zadig : Dans le contexte actuel de notre pays, mon livre devient un cri d’alerte. Dans certains quartiers de banlieue, il y a des cafés réservés aux hommes. L’école, elle, est bridée. J’ai entendu qu’il existe une nouvelle expression parmi les élèves : « Je vais te faire un Paty ». J’ai connu ce glissement en Tunisie. Je me bats parce que j’ai quitté le pays de mes racines et que je retrouve les prémices de cet ordre-là en France.
Pourquoi nos dirigeants ferment-ils les yeux ? Comme beaucoup de Français, au nom de la bien-pensance, de la culpabilité, de la peur aussi, on veut éviter les événements de 2005. Alors on ménage la chèvre et le chou, les intérêts financiers aussi (le Qatar, l’Arabie saoudite), on met la poussière sous le tapis. Mais jusqu’à quand ?
J’aspire à un Islam modernisé. Mais pour l’heure, l’Islam est la seule religion qui ne peut être interrogée, interprétée, critiquée. Et elle a trouvé en Europe un terreau idéal : la faillite des valeurs, de la famille, de l’identité.
Propos recueillis par Nathalie DUNAND
(1) Sonya Zadig (nom de plume) est l’auteur de 4 romans : https://sonyazadig.fr/
– Confessions d’une putain voilée, éd. Alexandra de Saint Prix, 2019, 100 pages (39 €)
– Soumise, éd. de L’Harmattan, 2020, 84 pages (12 €)
– À corps perdu, éd. de L’Harmattan, 2022, 172 pages (18 €)
– Que me reste-t-il lorsque tu me quittes ? paru le 4 novembre 2022 aux éditions Les Impliqués, 100 pages (12,50 €)
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