BEAUNE
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Trésors cachés : les étranges céramiques des Gambut
Par Jeannette Monarchi
Publié le 31 Octobre 2024 à 07h52
Aujourd'hui, le Musée des Beaux-Arts de Beaune conserve dix-huit céramiques de la famille Gambut, illustrant leur talent pour le trompe-l’œil et leur habileté dans l’utilisation de la glaçure pour imiter des textures naturelles. La collection inclut des plats ornés de reptiles, batraciens et autres créatures fantastiques, inspirés par les créatures naturalistes de Palissy, mais avec une touche personnelle propre aux Gambut.
Cette semaine, Info-Beaune vous invite à découvrir des pièces rares et fascinantes de céramique exposées au Musée des Beaux-Arts de Beaune. Avec plus de 10 000 œuvres dans ses collections, le musée regorge de trésors méconnus, notamment les créations céramiques du XIXe siècle attribuées à la famille Gambut, artisans potiers ayant pratiqué la technique de la "terre vernissée". Dans une ambiance parfaitement adaptée pour la période d’Halloween, voici sept des céramiques les plus étranges, choisies par Delphine Cornuché, la responsable des collections du musée.
En juin 1993, la galerie d’antiquaires Jean Berger à Beaune fait don de dix pièces attribuées à Gambut, sans précision de prénom. Une autre pièce a été acquise lors d'une vente aux enchères en 1986. Quant aux sept autres, elles ont intégré la collection en 1944, inventoriées par René André, conservateur du musée de 1944 à 1981, sans autres informations disponibles.
Un héritage céramique inspiré de Bernard Palissy
Les Gambut, établis entre Beaune et Chalon-sur-Saône, se spécialisent dans les céramiques de terre vernissée post-palisséennes, un style qui s'inscrit directement dans la tradition artistique de Bernard Palissy (1510-1590), célèbre céramiste de la Renaissance. La famille s'installe à Beaune en 1831 sous la direction de Jean-Baptiste Gambut l’Aîné (1808-1883), qui, après un apprentissage à Cluny, ouvre son propre atelier à Beaune en 1831 au 61 rue du Faubourg Madeleine. Avec le temps, la famille Gambut voit ses fils et neveux se joindre à l’entreprise, poursuivant une activité de poterie utilitaire (poterie, tuyaux de drainage) et artistique, avec des pièces décoratives en relief. L'activité familiale s'arrêtera en 1889.
Les Gambut, comme Palissy, reproduisent la nature dans leurs œuvres, mais avec leur propre interprétation artistique. Leurs céramiques sont souvent destinées à la décoration plutôt qu'à un usage pratique. Tout comme Palissy, les Gambut ont perfectionné la technique de la céramique en terre vernissée, caractérisée par des reliefs détaillés, souvent inspirés de la nature. Les formes et les textures en relief de leurs pièces sont animées par des émaux aux couleurs vibrantes. Ce style est adopté par d’autres artistes du XIXe siècle et renvoie aux cabinets de curiosités, ces collections privées de la Renaissance qui mettaient en scène des objets étranges pour évoquer les mystères du monde naturel.
Bien qu’il ne reste aujourd’hui qu’une poignée d'œuvres de cette famille, le musée en conserve dix-huit, dont sept œuvres emblématiques que nous vous présentons ici.
Plongée dans le monde des céramiques Gambut :
description des sept pièces phares
1. Le plat à tortue et serpents
Ce plat rond et imposant est orné d'une tortue et de deux serpents. La glaçure est riche et translucide, jouant avec des nuances de vert, d’ocre et de bleu cobalt obtenues grâce aux oxydes métalliques. Les reliefs détaillés et la frise géométrique qui orne le pourtour ajoutent une dimension dramatique. Les trous percés aux extrémités permettent de l’accrocher, tel un tableau.
2. Anguille et écrevisse
Cette pièce complexe est marquée par la représentation d’une anguille et d’une écrevisse, toutes deux en relief. Le homard, légèrement abîmé, semble prêt à bondir, le tout sur un fond aux tons verts et terre. Ce plat illustre parfaitement l’esthétique naturaliste propre aux Gambut, un héritage direct de l’influence palisséenne.
3. Le crocodile fantastique
Sur ce plateau rectangulaire, on découvre un animal préhistorique ressemblant à un crocodile. Sa gueule béante, sa queue striée et ses écailles ondulantes sont magnifiées par des couleurs bleues et vertes. Aux angles, des coquillages et des têtes de bélier ornent ce tableau de mousse et de feuillage, ajoutant un côté mystique à la scène.
4. Les Nymphes au bain
Dans un registre différent, ce plat représente un groupe de nymphes s'ébattant dans une cascade entourée de végétation luxuriante. Une nymphe arbore un croissant de lune, peut-être une allusion à la déesse Diane. Le réalisme du relief, combiné aux couleurs terre et émeraude, confère à cette scène une aura de mystère.
5. Plat aux noix
Ce plat octogonal, signé "Gambut", arbore une douzaine de noix en relief. La glaçure, riche en plomb, apporte une transparence remarquable. Ce choix de motif inhabituel évoque les natures mortes classiques, avec un jeu sur la texture et le réalisme frappant de chaque noix.
6. Crocodile et serpents surveillant des œufs
Ce plat montre un crocodile entouré de serpents veillant sur des œufs, leurs corps s'entrelacent sur un fond de mousse où se nichent également des coquillages et des escargots. Ce plat, attribué à Jean-Baptiste Gambut, est emblématique de la fascination pour la nature sauvage et les scènes naturalistes de l’époque.
7. Écrevisse et grenouilles
Cette céramique met en scène une écrevisse allongée sur un lit de mousse, entourée de feuillage et de grenouilles en relief. L’ensemble est animé par des teintes vives de vert et d’ocre, offrant une représentation réaliste de ce biotope. Ce plat, signé "Albert Gambut Beaune", a été acquis par le musée en 1986 et illustre l’art du trompe-l’œil cher aux Gambut.
Bernard Palissy : un visionnaire de la renaissance
Né vers 1510, Bernard Palissy est l'un des céramistes les plus renommés de la Renaissance. Autodidacte, il se passionne pour la faïence et la science naturelle, s'inscrivant ainsi dans une époque marquée par la curiosité scientifique et le désir de reproduire les formes de la nature. Palissy est surtout célèbre pour avoir inventé et perfectionné les "rustiques figulines", des céramiques décorées en relief, où animaux aquatiques (poissons, grenouilles, serpents), plantes, et insectes sont finement moulés et émaillés. Pour reproduire des détails naturels réalistes, Palissy allait jusqu’à mouler directement ses créations à partir de spécimens morts, obtenant ainsi un rendu saisissant de vie.
Son atelier à Saintes, puis à Paris où il travaillera sous le patronage de Catherine de Médicis, devient un centre de création où il façonne des œuvres telles que les grottes artificielles des Tuileries. Ces grottes, ornées de motifs de faune et de flore, marquent son style si distinctif et influencent les arts décoratifs bien au-delà de la Renaissance. Palissy est également un pionnier de la technique de cuisson des émaux, élaborant ses propres recettes pour des couleurs riches et transparentes, avec une palette de verts, bleus et ocres qui semble donner vie à ses œuvres. Bien qu'il laisse peu de secrets sur ses procédés, les écrits et vestiges de son travail ont suscité un engouement pour son style au XIXe siècle.
L'art de la terre vernissée : héritage et méthode des Gambut
La "terre vernissée" pratiquée par les Gambut fait appel à une glaçure translucide appliquée sur une base de terre cuite. Ce procédé, perfectionné par Palissy, est un mélange d'art et de technique sophistiquée : la glaçure colorée est obtenue par l’utilisation de métaux comme le cobalt pour les bleus et le cuivre pour les verts. La cuisson, cruciale pour préserver les nuances de couleur, exige une maîtrise qui n’a cessé de fasciner les céramistes postérieurs.
Les céramiques Gambut, bien que rares, témoignent d'une tradition et d’un savoir-faire d’exception qui fascinent encore aujourd’hui. Le musée a présenté quelques pièces entre 2006 et 2010, principalement lors de l’émission de télévision « Côté Cuisine », tournée par France 3 Bourgogne-Franche-Comté en 2005 au bastion de l’Hôtel-Dieu. Cinq à six épisodes y ont été enregistrés, où plusieurs œuvres étaient exposées sur le thème de l’art et de la gastronomie. Une exposition avait également été organisée par la Société d’archéologie de Beaune en 1984. En 2021, l’exposition « Sortir de sa réserve 2 » a permis de faire dialoguer les œuvres de la collection avec des créations de la prépa et des amateurs de l’école des Beaux-Arts de Beaune. Plusieurs publications, notamment celle d’Anne Gruère, ont exploré le travail des potiers Gambut.
Ces œuvres sont le fruit d'une technique perfectionnée par les Gambut qui, tout comme leur inspirateur Palissy, ont célébré la nature sous ses formes les plus étranges et fascinantes.
Jeannette Monarchi
Retrouvez-nous le 28 novembre pour lire la suite de cette série, qui sera consacrée à l’allégorie des quatre éléments par Jan Brueghel l'Ancien, dit Brueghel de Velours, un peintre baroque flamand (1568-1625).
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