Les Hautes-Côtes de Beaune transformées en terrain d’entraînement des spécialistes de l’appui aérien
Par Jeannette Monarchi
Publié le 20 Novembre 2024 à 09h59
Sur les hauteurs de Meloisey, au cœur des Hautes-Côtes de Beaune, un champ paisible a été transformé en centre d’opérations militaires. Une centaine de soldats français et allemands s’y sont installés pour un exercice de grande envergure, marquant les deux dernières semaines de formation pratique de 20 stagiaires du Centre de Formation à l’Appui Aérien (CFAA) de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey. Ces futurs contrôleurs aériens avancés doivent valider leur diplôme après cet entraînement intensif sur le terrain.
Ce mardi, le lieutenant-colonel Alexandre, ancien pilote de chasse, directeur de l’exercice et commandant du centre de formation à l’appui aérien, a présenté cette mission essentielle à des élus et journalistes. Toutefois, les vents violents ont contraint les avions stationnés à Saint-Dizier et Luxeuil à rester au sol, empêchant les démonstrations prévues.
Après avoir suivi six semaines de cours théoriques à Nancy, les 20 stagiaires évoluent désormais sur un site choisi pour sa facilité d’accès à 2 h de Nancy, son climat clément, et sa proximité avec plusieurs bases militaires. Durant cet exercice, les résidents des Hautes Côtes de Beaune et de la région peuvent entendre jusqu’au 29 novembre le passage d’avions de chasse, comme les Rafales et Mirages, et parfois d’hélicoptères. Si la plupart des vols s’effectuent à moyenne altitude, certains appareils descendent à basse altitude pour effectuer des simulations de frappes, étape cruciale dans leur formation.
Le métier de contrôleur aérien avancé (JTAC)
Les Joint Terminal Attack Controllers (JTAC) jouent un rôle clé dans les opérations militaires modernes. Depuis le sol, ils coordonnent l’appui aérien rapproché, guidant les avions, hélicoptères ou drones pour fournir un soutien précis aux forces terrestres.
Les contrôleurs aériens avancés, également appelés "yeux du ciel," jouent un rôle vital. Aviateurs, terriens, marins ou membres des forces spéciales, ils progressent généralement aux côtés des unités conventionnelles, souvent près des lignes de front et parfois en territoire hostile. Ces opérateurs sont indispensables pour guider avec précision les appuis aériens et l’artillerie. Leur mission : garantir des frappes efficaces tout en évitant les dommages collatéraux, grâce à une coordination précise entre les forces terrestres et aériennes.
Ces spécialistes de l’appui aérien sont formés au CFAA, un centre unique en Europe grâce à sa collaboration franco-allemande, accrédité par l’OTAN depuis 2010.
Formation intense et pratique
Les futurs JTAC, qui représentent environ 75 stagiaires par an, suivent une formation de huit semaines mêlant théorie et pratique. À Meloisey, les 20 stagiaires affrontent des scénarios réalistes pour valider leurs compétences. La formation des contrôleurs aériens avancés repose sur un équilibre entre haute technologie et apprentissages traditionnels. Les stagiaires s’entraînent à utiliser des simulateurs de dernière génération équipés de casques de réalité virtuelle, permettant de reproduire des conditions opérationnelles réalistes, de jour comme de nuit. À cela s’ajoutent des exercices pratiques avec des outils fondamentaux tels que la boussole, l’observation visuelle, les cartes topographiques, et même des heures de vol dédiées pour perfectionner leurs compétences.
Les exercices incluent une variété de scénarios pour préparer les candidats à toutes les éventualités : combat urbain, escortes de convois, opérations de combat débarqué, ou encore la défense de bases avancées. En complément des armes d’artillerie, les avions de chasse comme le Rafale, le Mirage-2000, ou encore des F-15 sont mobilisés pour les besoins de simulation.
Chaque stagiaire est mis à l’épreuve dans des conditions proches des réalités opérationnelles, sous la supervision d’instructeurs expérimentés.
Un expert polyvalent et méthodique
Le JTAC (Joint Terminal Attack Controller) doit maîtriser un large éventail de connaissances et d’outils. « Il doit comprendre les caractéristiques de chaque type d’aéronef, les effets des différentes munitions – généralement des bombes standards de 250 kg – et leur impact tactique. Il s’appuie également sur les capacités des hélicoptères d’attaque et des avions de transport armés, relate le lieutenant-colonel Alexandre. Son rôle en tant que coordinateur est crucial : il doit déployer et synchroniser tous ces moyens de manière sûre et efficace pour neutraliser l’adversaire tout en minimisant les risques pour les troupes alliées. »
Un équipement de pointe
Comme l’a présenté le capitaine Guillaume, l’outil principal du JTAC est sa radio, une technologie sophistiquée qui lui permet de coordonner les forces aériennes et terrestres. Il dispose également d’un flux vidéo en temps réel fourni par des aéronefs, ainsi que du système Rover, une technologie avancée pour marquer les cibles au laser. Il peut aussi utiliser des pointeurs infrarouges visibles avec des lunettes de vision nocturne. Le recours aux drones, devenus incontournables, ajoute une capacité supplémentaire de reconnaissance et de précision.
Une organisation tactique rigoureuse
Le lieutenant-colonel Henri a présenté le centre opérationnel déployé lors des exercices. Ce poste est le noyau de coordination, garantissant une gestion fluide des avions dans la zone d’opération grâce à un véritable contrôle aérien. Les informations tactiques, le guidage des aéronefs, et les décisions stratégiques sont centralisés ici. Trois antennes radio permettent la gestion des avant-postes, tandis qu’un satellite assure la connectivité pour les communications numériques via portables et ordinateurs.
Un centre de formation binationale unique au monde
La base aérienne 133, située à Ochey, abrite le Centre de Formation à l’Appui Aérien (CFAA), un établissement exceptionnel à l’échelle mondiale. Ce centre est le seul exemple de collaboration binationale entre la France et l'Allemagne au sein de l’OTAN dans le domaine de l’appui aérien. Depuis 2004, il est implanté à Nancy-Ochey après un passage par Toul et une période en Allemagne. Le CFAA est agréé par l’OTAN depuis 2010, renforçant son rôle de référence internationale. Il est franco-allemand depuis l’an 2000.
Une formation en anglais pour des experts en appui aérien
Chaque année, le CFAA forme 500 stagiaires issus de différentes unités interarmées françaises et allemandes dont les futurs JTAC, qui représentent environ 75 stagiaires par an. Ces formations, intégralement dispensées en anglais, permettent d’harmoniser les pratiques au sein des forces de l’OTAN. Les stagiaires y apprennent les rôles, les responsabilités et les conditions nécessaires pour obtenir et maintenir leur qualification de JTAC.
Créé initialement en 1946, le CFAA incarne aujourd’hui la coopération franco-allemande, consolidant l’intégration des forces au sein de l’OTAN tout en garantissant des standards élevés dans la coordination des opérations aériennes.
Un métier en évolution
Avec l’introduction croissante de drones, d’intelligence artificielle et de cybertechnologies, le métier de JTAC évolue rapidement. Selon le lieutenant-colonel Alexandre, « les contrôleurs aériens de demain devront intégrer de nouveaux outils pour faire face à des conflits hybrides en utilisant notamment les cyberattaques ».
Jeannette Monarchi
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