CÔTE D'OR

Témoignage - Le courage de briser le silence d'une femme victime de violences conjugales

Témoignage - Le courage de briser le silence d'une femme victime de violences conjugales

À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes ce lundi, Emilie, une femme courageuse, infirmière et mère de quatre enfants (3 majeurs et une fille de 10 ans) a courageusement partagé son expérience de 25 ans de violences conjugales.

À Dijon, lors d’un événement organisé par le préfet Paul Mourier pour mettre en lumière les dispositifs innovants et le rôle crucial des réseaux d’accompagnement dans la lutte contre ce fléau, son témoignage poignant et empli de résilience, met en lumière l’impact psychologique des violences, les mécanismes de l’emprise destructrice des auteurs, les obstacles à la libération et la force des réseaux d’accompagnement pour sortir de cette spirale infernale. 
 
Une emprise invisible mais destructrice 
Pendant plus de deux décennies, cette femme de Côte-d'Or a subi des violences multiples de la part de son mari, un homme qu’elle décrit comme ayant une « personnalité particulière ». Bien qu’elle ne souhaite pas détailler la nature des abus, son récit reflète une emprise totale exercée par son conjoint, affectant tous les aspects de sa vie personnelle et professionnelle. 
Emilie décrit les « cycles » de la relation, marqués par des phases de violence suivies de moments de répit, ces périodes de « lune de miel », laissant croire à un changement possible. « On espère que ça va changer, on excuse, on se remet en cause. » Mais ces cycles finissent par piéger les victimes dans un silence étouffant, alimenté par la peur et la honte d’être jugée. « Tout est caché à la famille, aux collègues, aux amis. On s’enferme dans une prison dorée. »  Sa fille aînée est également victime de violences, « c’est un secret gardé dans la sphère familiale ».
 
La prise de conscience grâce à ses enfants 
Le tournant est survenu en août 2021, lorsque son fils aîné, après avoir quitté le domicile familial, a décidé de porter plainte contre son père. Cette décision courageuse a déclenché une intervention des gendarmes, brisant le silence familial. D’abord envahie par la peur et la honte, elle a hésité à porter plainte. Mais l’exemple de sa fille, qui a osé témoigner et porter plainte, l’a convaincue. 
« C’est à ce moment-là que tout s’est déclenché : j’ai été prise en charge, accompagnée et épaulée dans mes démarches. » L’obtention rapide d’une ordonnance de protection a marqué un tournant. « Ma seule crainte était qu’il revienne à la maison », confie-t-elle. 
 
Un réseau d’accompagnement salvateur 
Grâce au réseau d’accompagnement constitué autour de structures comme France Victimes et du réseau associatif local, elle a pu bénéficier d’un suivi personnalisé. Ce réseau lui a permis d’accéder à un téléphone d’urgence, de quitter le domicile conjugal avec ses enfants et de trouver un refuge temporaire chez ses parents. 
« J’ai compris que ce que je vivais n’était pas normal, et surtout, je ne me suis pas sentie jugée. » Ce soutien l’a également aidée à amorcer un processus de reconstruction, tant sur le plan psychologique que matériel. 
 
La reconnaissance judiciaire : un pas vers la liberté 
Le jugement pénal tombé en janvier 2022 a condamné son ex-mari à 15 mois de prison avec sursis et 15 mois de mise à l’épreuve. Pour elle et ses enfants, cette décision a symbolisé une reconnaissance officielle de leur statut de victimes. 
Elle poursuit aujourd’hui son combat en continuant à s’affirmer en tant que femme libre, elle attend le prononcé de son divorce en décembre. Elle se reconstruit « en tant que femme, mère et professionnelle », soutenue par un suivi psychologique. « Aujourd’hui, je vis, confie-t-elle, fière de pouvoir témoigner et contribuer à la prévention des violences conjugales. J’ai eu la chance d’avoir une famille présente et les moyens de m’assumer. » 
 
Lever le tabou, délier les langues 
En partageant son expérience, cette femme espère briser le silence autour des violences conjugales : « La honte doit changer de camp » affirme-t-elle avec force. Devenue militante, elle sensibilise désormais les professionnels de santé à détecter les signes de violences et insiste sur l’importance de signaler les abus. Elle observe que son témoignage a permis à d’autres victimes de prendre la parole et d’entamer leur propre chemin vers la liberté.
 
Une vigilance encore nécessaire 
Malgré les progrès, elle exprime une inquiétude concernant l’après-sursis de son ex-mari et la gestion des droits de visite. Toutefois, sa détermination à continuer sa vie en toute liberté est indéfectible. « Je suis fière d’être là. Cela fait partie de ma reconstruction. Aujourd’hui, je me sens libre. » 
Son message final résonne comme un appel à l’espoir : « Il est possible de s’en sortir. Avec de l’aide, on peut retrouver sa liberté ».

Jeannette Monarchi