BEAUNE

Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série trésors cachés : suite de de la plongée dans l’art baroque flamand avec l’allégorie des quatre éléments de Jan Brueghel l’Ancien

Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série trésors cachés : suite de de la plongée dans l’art baroque flamand avec l’allégorie des quatre éléments de Jan Brueghel l’Ancien
L'Eau @Musée des Beaux-Arts de Beaune

Cette semaine, Info-Beaune vous invite à découvrir des œuvres consacrées à l’allégorie des quatre éléments par Jan Brueghel l'Ancien, dit Brueghel de Velours, un peintre baroque flamand (1568-1625). Avec plus de 10 000 œuvres dans ses collections, le musée regorge de trésors comme ces quatre tableaux, présentés par Delphine Cornuché, la responsable des collections du musée.

Après avoir présenté les deux premiers tableaux consacrés à la Terre et à l’Air, nous vous présentons les deux derniers de cette allégorie : l’Eau et le Feu.

L’Eau : Amphitrite, nymphe marine et la richesse aquatique
Le tableau L’Eau, personnifié par Amphitrite, épouse de Poséidon et néréide (ces Nymphes de la mer, une des 50 filles de Nérée, protectrices des marins), évoque une nature aquatique luxuriante et harmonieuse. La composition rappelle celle du tableau de La Terre, avec des personnages au premier plan, placés au centre, devant une colonne d’arbres encadrant la scène. 
Amphitrite, demi-dénudée, est assise au bord d’un plan d’eau. Autour d’elle, trois putti enrichissent l’allégorie : l’un manipule une corne d’abondance débordant de colliers de perles, coquillages et branches de corail, symboles de la richesse des mers. 
Le premier plan regorge d’animaux aquatiques : poissons, coquillages, étoiles de mer, tortues, crabes, ainsi que des oiseaux lacustres tels que hérons, canards ou encore des diodons (poissons-globe). Ces animaux illustrent la coexistence d’éléments d’eau douce et d’eau salée, avec une minutie particulière portée aux reflets irisés des écailles, témoins de l’habileté du peintre à capter la lumière et les textures. 
En arrière-plan, de petites cascades entourent les personnages, créant un cocon aquatique apaisant. Sur la gauche, des montagnes encadrent la scène, tandis qu’à droite, un plan d’eau abrite un cortège aquatique mené par Poséidon sur son char tiré par des hippocampes, entouré de nymphes marines. 
Le tableau se distingue par sa douce harmonie chromatique, composée de dégradés subtils de bleu, vert et blanc, accentués par des touches éclatantes sur les poissons et coquillages. Le pinceau précis du peintre se révèle dans les détails délicats des reflets aquatiques et des plumages d’oiseaux. 
Ce tableau célèbre l’univers aquatique dans toute sa richesse, associant la mythologie à une observation naturaliste fidèle et poétique. Une œuvre qui invite à la contemplation de l’élément vital qu’est l’eau.
 
Le Feu : les forgerons de Vulcain et la force de la passion
Le dernier tableau de la série, Le Feu, se déroule dans les forges mythologiques de Vulcain, le dieu forgeron des divinités, où son épouse Vénus lui rend visite pour lui demander de forger des armes destinées à rendre son fils, Énée, invincible dans sa guerre contre Troie (référence à l’Énéide de Virgile, où Vénus sollicite Vulcain pour protéger Énée). Ce décor mythologique se transforme en une scène d’atelier, où la chaleur des flammes et l’ardeur des forges créent une atmosphère à la fois physique et psychologique.
L'atelier est représenté comme un long couloir voûté, dont les murs effondrés laissent apercevoir de la végétation qui pousse dans cet espace en ruines, symbolisant la relation entre la destruction et la création. La perspective de la scène est maîtrisée avec précision, donnant un effet de profondeur qui transporte le spectateur dans ce monde intense et bouillonnant de vie.
Les objets métalliques — fragments, armures, casques, pièces d’or, bijoux, et autres objets du quotidien — sont dispersés autour de la forge. L’art de Brueghel se distingue par une attention minutieuse aux détails, un véritable inventaire des objets métalliques et leur transformation en lumière et en chaleur. La profusion de ces objets est la manifestation même du feu : un élément naturel, mais aussi un vecteur de création, de destruction et de transformation. Le feu éclaire l’atelier, entourant les enclumes et les pièces métalliques comme une flamme divine, créant des effets de lumière et d’ombre saisissants. Le feu devient également une métaphore psychologique, incarnant à la fois la passion et l’intensité de l’amour de Vénus pour son fils, tandis que les couleurs chaudes — rouges, bruns, or et orange — dominent la scène, tempérés par les verts de la végétation en arrière-plan.
Cette œuvre, comme les autres de la série, invite à une contemplation prolongée, où chaque détail, chaque couleur, chaque élément contribue à renforcer le message profond de l'artiste : le feu, tout comme les autres éléments, est à la fois destructeur et créateur, un symbole de la force vitale qui anime le monde.

Jeannette Monarchi

Retrouvez-nous dans quinze jours pour la suite de cette série, qui sera consacrée à une Vierge à l’Enfant en majesté datant de la fin de l’époque romane. Il s’agit d’une sculpture en bois polychrome provenant des environs d’Arnay-le-Duc.