Trafic de stupéfiants à Beaune - La police contre-attaque

Longtemps préservée des grandes formes de criminalité, Beaune connaît aujourd’hui des mutations inquiétantes, notamment avec l’émergence de réseaux structurés de narcobanditisme. Le commandant Yves Carry, en poste depuis 2022, a mené une lutte acharnée contre le trafic de drogue, contribuant notamment au démantèlement du réseau « Coffee d’Or ». Il dresse le bilan des efforts menés par la police beaunoise.

« La ville de Beaune est relativement privilégiée, loin de la grande délinquance de Dijon ou Chalon-sur-Saône. Cependant, elle commence à être impactée par le narcobanditisme », explique Yves Carry. Arrivé à Beaune en août 2022 et fort d’une carrière marquée par la lutte contre le trafic de stupéfiants, le commandant divisionnaire Yves Carry dresse un bilan de son action à Beaune, où la délinquance évolue et où la police doit s’adapter en permanence.
 
Un engagement contre le narcobanditisme
Dès fin 2022, il s’attelle à démanteler les petits points de deal dans les lieux publics. Mais derrière ces points de vente, un trafic organisé émerge. « On a vite constaté qu’il y avait une structure plus vaste derrière, avec la même bande », précise-t-il.
Grâce à la surveillance des réseaux sociaux tels que Snapchat et Telegram, le Service Local de Police Judiciaire (SLPJ) avec une équipe de cinq enquêteurs dédiée et dirigée par une cheffe d’unitére repère les modes opératoires des trafiquants beaunois et ouvre une enquête en lien avec le parquet. Ce travail mène, début novembre 2024, au démantèlement du réseau "Coffee d’Or", actif dans le quartier des Blanches-Fleurs. Initialement connu sous le nom de "Kristikal 21", le réseau, rebaptisé par la suite "Coffee d'Or", utilisait ces plateformes pour afficher en images et en vidéos les tarifs ainsi que le conditionnement des stupéfiants. Cette vaste opération d'interpellation menée sur commission rogatoire mobilise de nombreuses unités spécialisées, dont le SLPJ de Beaune, l’antenne OFAST de Dijon, le GIR, la BRI, le RAID et plusieurs unités de la DIPN de Côte-d’Or. L'opération d’envergure permet d’arrêter 18 individus et de saisir 13,5 kg d’ecstasy, 4,4 kg de cocaïne, 3,8 kg de résine de cannabis, des armes et 53 000 € en liquide. « Nous avons porté un vrai coup au réseau », se félicite le commandant.
« Ils se pensaient tranquilles à Beaune, tout se passait dans le domicile d’un chef de bande beaunois », souligne Yves Carry. Cependant, l’opération n’a pas encore permis d’arrêter tous les membres impliqués. L’un d’eux reste en fuite et est actuellement localisé en région parisienne, tandis qu’un autre a fui au Maroc. Le parquet de Dijon poursuit l’enquête avec l’appui de la Direction interdépartementale de la police nationale et du Groupe d’Intervention Régional Bourgogne pour tenter de démanteler les dernières ramifications du réseau.
 
Un trafic en perpétuelle mutation
Malgré ces succès, les trafiquants adaptent leurs pratiques. « Il n’y a plus de points de deal fixes, ils privilégient les livraisons », détaille Yves Carry. La police se concentre donc sur les mouvements suspects de véhicules, ce qui permet d’interpeller des trafiquants presque chaque semaine. Le 12 janvier, un couple est arrêté en possession de 250 grammes de cannabis, révélant une chaîne de revente plus large. Dix jours plus tard, un autre duo est interpellé avec de la drogue cachée dans un casque.
« C’est une bataille de tous les instants, il ne faut jamais relâcher la pression. Lorsqu’un réseau tombe, un autre tente immédiatement de prendre sa place. Et ce sont les mêmes individus beaunois qui essaient de se réimplanter. Ils ont su fidéliser leur clientèle en maintenant une bonne réputation sur la qualité des produits et en proposant des prix concurrentiels. Ils protègent leur territoire, car il y a beaucoup d’argent en jeu », analyse Yves Carry. Il souligne que certains vendeurs plus ponctuels apparaissent, mais que le noyau principal reste le même. « On continuera de mener cette guerre à Beaune. Autrefois préservée, la ville est aujourd’hui un marché comme un autre, soumis à l’offre et à la demande. »
Le profil des consommateurs est varié. « Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de catégorie socioprofessionnelle spécifique. Les clients vont de 18 à 45 ans et viennent de tous les milieux : étudiants, cadres, travailleurs. Certains consomment lors d’événements festifs, d’autres de façon plus régulière », précise-t-il. La cocaïne est particulièrement répandue et s’est imposée comme une drogue incontournable.
 
Une criminalité plus diverse
Le commandant note également une évolution du marché de la drogue à Beaune. « Il y a 20 ans, on trouvait principalement de la résine de cannabis et un peu de cocaïne. Aujourd’hui, les points de vente proposent une large gamme de produits : herbe, cocaïne, ecstasy, héroïne, kétamine. » Cette diversification rend les enquêtes plus complexes, car les réseaux s’adaptent rapidement aux nouvelles tendances de consommation.
 
Autres défis pour la police de Beaune
Outre la lutte contre le trafic de stupéfiants, Beaune est également confrontée à une recrudescence des cambriolages. Si l’année 2024 avait été relativement calme en la matière, le début de 2025 marque une reprise inquiétante. « Nous constatons une augmentation du nombre de cambriolages, notamment dans les zones pavillonnaires et les résidences secondaires, nombreuses à Beaune », alerte le commandant Carry, qui appelle les habitants à la vigilance.
Les violences conjugales constituent un autre enjeu majeur pour le commissariat. « Nous avons mis en place une politique de réponse systématique pour chaque cas signalé », explique-t-il. Une procédure est engagée dès qu’une situation est détectée, et des solutions de relogement sont proposées aux victimes si nécessaire. « Dans la majorité des cas, c’est l’auteur des violences qui est déplacé », précise Yves Carry. Tous les policiers sont formés à ces situations pour garantir une prise en charge efficace et adaptée.
Beaune est également une ville dynamique en termes d’événements et de manifestations. De nombreux rassemblements, comme le Prestige Auto, les 24 Heures de Beaune et les festivals d’été, mobilisent une part importante des forces de l’ordre. « Nous travaillons en étroite collaboration avec la mairie et la sous-préfecture pour assurer la sécurité de ces événements », souligne le commandant.
Concernant la sécurité routière, Beaune affiche un bilan positif avec zéro décès enregistré cette année. Toutefois, de nombreux contrôles routiers sont effectués pour prévenir les infractions et garantir la sécurité des usagers. La police bénéficie également de l’appui des motards de Dijon pour renforcer ces dispositifs.
Le quartier Saint-Jacques est aussi une zone de surveillance prioritaire, en particulier dès l’arrivée des beaux jours. « Nous constatons des comportements parfois irrespectueux de la tranquillité publique. Nous travaillons avec la police municipale pour assurer un cadre de vie serein aux habitants », précise Yves Carry.
 
Des moyens à renforcer
Le commissariat compte 50 policiers, mais le commandant estime qu’il faudrait six agents supplémentaires pour travailler dans des conditions optimales. Il s’appuie néanmoins sur cinq réservistes, anciens policiers à la retraite, et cinq policiers adjoints sous contrat. « Ils viennent en appui pour les patrouilles et renforcent notre présence sur la voie publique », explique-t-il.
 
L'importance de la vidéosurveillance et du renforcement de la présence policière
La vidéosurveillance est aujourd’hui un outil indispensable pour les forces de l’ordre. « Avec la téléphonie, l’ADN et la vidéosurveillance, nous avons les trois piliers essentiels pour mener des enquêtes efficaces », souligne le commandant. Ce dispositif permet d’appuyer les investigations et de résoudre de nombreuses affaires.
Cet été, la police de Beaune renforcera sa présence en centre-ville à travers des patrouilles à pied et en VTT dites à "hauteur d'homme". « L’objectif est de renforcer le contact avec la population et d’assurer une meilleure visibilité des forces de l’ordre », explique Yves Carry. Il constate par ailleurs que Beaune reste une ville relativement préservée malgré l’évolution de la société. « Nous observons peu d’incivilités envers les touristes, peu de cambriolages dans les hôtels et pas de vols spécifiques liés au tourisme. C’est une particularité locale : les habitants de Beaune font preuve d’un grand civisme et d’un bon accueil envers les forces de l’ordre », souligne-t-il.

Jeannette Monarchi