BOURGOGNE

Vins de Bourgogne - Une mobilisation collective pour la neutralité carbone : la filière vitivinicole en route vers un avenir durable

Vins de Bourgogne - Une mobilisation collective pour la neutralité carbone : la filière vitivinicole en route vers un avenir durable

Comment réduire l’impact environnemental de la viticulture ? C’est la question centrale du séminaire organisé par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), qui a rassemblé acteurs du secteur et entreprises engagées avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2035. À travers des tables rondes et des ateliers pratiques, des pistes concrètes ont été explorées pour une transition écologique efficace et durable.

Le séminaire du BIVB consacré à la réduction de l'empreinte carbone dans le secteur vitivinicole s'est tenu ce mardi sous le thème « Vin et empreinte carbone, comprendre pour mieux réduire ». Cet événement, structuré en trois tables rondes, a permis d’aborder les enjeux du mix énergétique, de la mesure de l’impact environnemental et de la réduction de l’empreinte carbone des emballages, avant une conclusion inspirante de Pierre-Olivier Clouet, Directeur Général du Château Cheval Blanc, en tant que guest star. L’après-midi, des ateliers pratiques ont été ouverts aux professionnels de la filière vins de Bourgogne, leur offrant l’opportunité de réfléchir concrètement aux actions à mettre en place pour accompagner la transition écologique.
 
Un engagement ambitieux vers la neutralité carbone
En introduction, Laurent Delaunay, président du BIVB, a rappelé l'engagement de la filière à atteindre la neutralité carbone d'ici 2035 avec le plan climat 2035, rebaptisé « 2035 Neutralité Carbone » pour mieux refléter son ambition. « Nous avons la responsabilité d'agir aujourd'hui pour préserver notre avenir. Le changement climatique est une réalité, et notre secteur doit s'adapter », a-t-il souligné. Le BIVB a recruté un chef de projet carbone, Mathieu Oudot, et lancé Wine Pilot, un outil gratuit permettant aux viticulteurs de suivre et réduire leur empreinte carbone.

Le mix énergétique des entreprises
Experts et producteurs d’énergie ont échangé sur les stratégies de production d'énergie et les alternatives aux énergies fossiles en présentant les objectifs nationaux : réduction de 33 % de la consommation d'énergie d'ici 2030, division par deux de la consommation d'énergie fossile d'ici 2050 et le doublement de la production de chaleur renouvelable d'ici 2035.
Plusieurs actions sont menées en Bourgogne - Franche-Comté : développement des bioénergies, éolien, solaire et géothermie ; projet Sécalia : production de biométhane 100 % végétal en Pays Châtillonnais depuis juillet pour la filière agroalimentaire en lien avec le déploiement de solutions en agrovoltaïsme chez Dijon Céréales pour une meilleure gestion de l'eau et des cultures.
Virginie Pucelle, représentante de la DREAL, a présenté les ambitions régionales : « Nous devons accompagner les acteurs agricoles et viticoles vers des solutions plus durables et accessibles, car la transition énergétique est un enjeu collectif ». Christophe Richardot, de Dijon Céréales, a quant à lui partagé les initiatives locales : « Nous avons mis en place un modèle d'agrovoltaïsme qui nous permet de produire notre propre énergie tout en diversifiant nos cultures, ce qui renforce la résilience de notre exploitation ».

 
Mesurer et comparer les impacts environnementaux
L’Analyse de Cycle de Vie (ACV) a été présentée comme un levier stratégique pour identifier et réduire les impacts environnementaux du secteur viticole.
L’ACV permet d’identifier les étapes les plus polluantes : consommation de carburants, brûlage des sarments ou encore l’utilisation de produits phytosanitaires et fertilisants.
Des solutions ont été proposées : passage à l'électrique et optimisation des passages de tracteurs, réduction des doses de produits phytosanitaires et introduction de variétés résistantes et le broyage des sarments au lieu du brûlage pour stocker plus de carbone.


Une expérimentation menée au SICAREX Beaujolais, notamment sur le domaine expérimental du Château de l'Éclair, a permis de collecter des données précises sur les émissions de CO2. Sur une surface de 20 hectares, les analyses ont révélé que les émissions viticoles atteignent 1 716 kg CO2eq/ha par an. Les principaux facteurs d’émissions sont la consommation de carburants, les produits phytosanitaires et les pratiques culturales classiques.
L’expérimentation a permis de tester plusieurs solutions : enherbement naturel pour stocker davantage de carbone et limiter l’érosion des sols, utilisation de couverts végétaux en alternative au labour pour réduire les besoins en carburant, la réduction de la fertilisation minérale, en favorisant des amendements organiques ou encore le broyage des sarments au lieu de leur brûlage, réduisant ainsi les émissions de particules fines et améliorant la qualité des sols.


Michel Baraud, Président du Pôle Marketing et Communication du BIVB, a appelé à une prise de conscience collective : « Ce ne doit pas être une contrainte, mais une responsabilité. Chaque professionnel doit évaluer son impact pour trouver des solutions concrètes et efficaces ». Perrine Billaud, du Pôle Technique & Qualité du BIVB, a ajouté : « L'ACV nous donne une image précise des impacts environnementaux, ce qui permet de mieux cibler les efforts à fournir ».
 
L'importance du poids des bouteilles et des emballages
Un des points abordés lors du séminaire concernait la réduction du poids des bouteilles, qui représente entre 20 et 30 % de l’empreinte carbone du secteur. Face aux défis climatiques, la Maison Drouhin a amorcé un virage en réduisant le poids de ses bouteilles de 520 g à 420 g, une initiative qui permet une économie de 500 tonnes de CO₂ et 500 000 € de coûts de production. De plus, l’entreprise a pris la décision d’éliminer le transport aérien au profit du maritime et du terrestre pour limiter les émissions de carbone. « Il faut avoir l’envie d’y aller avant d’y être obligé. Contribuer à l’effort écologique est une vraie satisfaction, au-delà de l’aspect économique », affirme Frédéric Drouhin.


Outre le poids des bouteilles, les intervenants ont également souligné l’impact des emballages secondaires. La suppression des capsules, l’optimisation des caisses en bois et l’utilisation de matériaux recyclables sont autant de leviers permettant de limiter l’empreinte environnementale des vins de Bourgogne.
Julien Guillaume de la Cave de Bissey a partagé son expérience et les engagements concrets pour réduire l’empreinte carbone. La Cave de Bissey (Côte Chalonnaise), exploitant 20 hectares et produisant 40 vins différents, s’engage dans des actions concrètes pour réduire son impact environnemental. Parmi les initiatives : le lancement d’un conditionnement en bouteilles consignées, sans capsule, pour un vin en conversion bio, et la relance de la vente en vrac afin de toucher une nouvelle clientèle, notamment les jeunes. L’entreprise mise aussi sur des gestes quotidiens comme l’installation de panneaux photovoltaïques, une meilleure gestion des déchets et des livraisons plus écologiques via des box réutilisables. « Il faut avancer, même si tout n’est pas parfait. L’important, c’est de s’améliorer chaque jour », souligne Julien Guillaume.
Les discussions et retours d’expérience ont démontré qu’il est possible de réduire considérablement l’empreinte carbone des emballages sans pour autant altérer la qualité perçue des produits, prouvant ainsi que l’innovation et la durabilité peuvent aller de pair dans la filière vitivinicole.
 
Vers une transition nécessaire et engagée
La décarbonisation de la filière viticole est un défi incontournable. Pierre-Olivier Clouet, Directeur Général du Château Cheval Blanc, a conclu le séminaire en partageant une vision pragmatique et engagée de la transition écologique dans le monde viticole. Il insiste sur la nécessité d’informer, comprendre et agir, sans attendre une solution parfaite : « L’imperfection ne doit pas être un prétexte pour ne rien changer ».
Depuis 2019, ce domaine viticole « Cheval Blanc » situé à Saint-Émilion en Gironde a amorcé une transformation en profondeur avec une agriculture tournée vers l’écologie. Parmi les choix forts : fin des labours, remplacés par des couverts végétaux pour préserver la fertilité des sols et limiter l’érosion ; l’agroforesterie, avec la plantation de 80 arbres par hectare pour créer un microclimat favorable à la vigne ; la polyculture et l’élevage, avec une ferme produisant 45 tonnes de denrées par an (œufs, viande, miel), recréant un écosystème diversifié et robuste.
Sur le volet packaging, Château Cheval Blanc repense ses pratiques en conservant des caisses en bois fabriquées avec du pin des Landes et en expérimentant des alternatives comme des protections en laine pour remplacer les calages.
Pierre-Olivier Clouet se positionne comme un porte-parole du changement : « L’exceptionnel de demain ne ressemblera pas à celui d’aujourd’hui. Il faut créer un nouvel imaginaire, changer les perceptions et inciter nos clients à adopter une approche plus responsable, y compris dans leur façon de voyager ». Il appelle à une transition collective, où chaque acteur, à son échelle, peut apporter sa pierre à l’édifice : « Même une petite goutte d’eau peut faire la différence ».
Ce séminaire marque une étape cruciale dans la transition écologique du secteur vitivinicole, avec des solutions concrètes à adopter dès aujourd'hui pour atteindre la neutralité carbone en 2035. La filière viticole est appelée à une mobilisation collective pour relever ce défi environnemental.

Jeannette Monarchi