BEAUNE

À Beaune, Vitis Optima veut sauver la vigne avec la science

À Beaune, Vitis Optima veut sauver la vigne avec la science
À Beaune, Vitis Optima veut sauver la vigne avec la science
À Beaune, Vitis Optima veut sauver la vigne avec la science
À Beaune, Vitis Optima veut sauver la vigne avec la science
L'équipe de Vitis Optima (de gauche à droite) : Thierry Allario, docteur en biologie moléculaire des plantes et physiologie végétale, Suzanne Balacey, spécialiste en physiologie de la vigne, Loïc Collet, directeur général et cofondateur de Vitis Optima, Tristan Lurthy, microbiologiste étudiant les interactions plante-maladie et Paul Collet, en charge de la partie financière et industrielle du projet.

Et si la viticulture entrait dans une nouvelle ère ? À Beaune, Vitis Optima mise sur l’innovation technologique pour concevoir des plants de vigne plus robustes, capables de mieux résister aux aléas climatiques. Entre greffe robotisée, culture en nurserie contrôlée et recherche sur l’immunité végétale, l’entreprise veut offrir une alternative aux vignerons face aux défis du XXIe siècle.

La viticulture fait face à des défis de taille : dépérissement des vignes, baisse des rendements, aléas climatiques de plus en plus marqués... Face à ces défis climatiques et sanitaires qui bouleversent la viticulture, Vitis Optima, implantée à la ZAC des Cerisières à Beaune, entend révolutionner la culture de la vigne grâce à une approche scientifique et technologique inédite. Son nom, tiré du latin, signifie « la meilleure vigne » ou « la vigne optimale », un choix qui reflète pleinement son ambition : améliorer et préserver la culture de la vigne grâce aux avancées scientifiques et technologiques.
Son objectif : produire des plants de vigne plus résistants et mieux adaptés aux conditions climatiques extrêmes, tout en préservant les caractéristiques des cépages traditionnels de Bourgogne (pinot noir et chardonnay). Avec une levée de fonds de 2,5 millions d’euros et une équipe de chercheurs spécialisés, l’entreprise a inauguré le 21 mars son centre de recherche, avant une production à grande échelle prévue dès 2028.
Tout a commencé il y a un an et demi par la rencontre de 200 vignerons pour comprendre les choses. « Si on veut que le plant soit plus résistant, il faut qu’à chaque étape de production on apporte des solutions nouvelles », explique Loïc Collet, directeur général et cofondateur de Vitis Optima.
 
Une innovation au service du vignoble
Dès sa création en septembre 2023, la société a mis en place un programme d'innovation en rupture avec les méthodes traditionnelles. « Nous voulons réinventer la façon dont on prépare les jeunes plants à affronter les stress climatiques », explique Loïc Collet. Ancien cadre dans l'industrie cosmétique, notamment chez L'Oréal et Chanel - dont il a dirigé la marque Bourgeois -, il a fait le pari d'apporter son expérience en développement et innovation au monde viticole. Son associé, Gilles Mony, homme d'affaires aguerri et investisseur dans plusieurs entreprises, partage la même vision.
L'entreprise s'appuie sur un trio de scientifiques pour mener ses recherches : Tristan Lurthy, microbiologiste étudiant les interactions plante-maladie. Suzanne Balacey, spécialiste en physiologie de la vigne, et Thierry Allario, expert en biologie moléculaire des plantes et physiologie végétale, De plus, Paul Collet, fils de Loïc, est en charge de la partie financière et industrielle du projet.
 
Une révolution dans la greffe de la vigne
La greffe est une étape essentielle dans la culture de la vigne, mais la méthode traditionnelle repose encore sur des gestes manuels, un savoir-faire précieux mais difficilement reproductible à grande échelle. Vitis Optima apporte une rupture radicale avec une greffe robotisée révolutionnaire.
Cette machine de greffe, développée à partir de technologies avancées, simule le travail précis du vigneron tout en garantissant une précision inégalée au dixième de millimètre. Chaque plant est ainsi greffé de manière homogène, assurant une robustesse accrue et une meilleure transmission des caractéristiques variétales. Le prototype de cette machine représente un investissement d’un million d’euros, mais il promet un rendement sans précédent : jusqu’à 300 000 plants greffés en seulement deux semaines. « Nous sommes en train de développer une machine capable de réaliser une greffe en 40 secondes, avec une précision au dixième de millimètre » précise Tristan Lurthy.
Un autre progrès majeur réside dans le tri des greffes. Aujourd’hui, la sélection des plants se fait par un test manuel dit « du pouce », qui permet de vérifier la solidité de la greffe. Vitis Optima innove en introduisant l’imagerie médicale dans ce processus. Ce système permet d’analyser la vascularisation des plants et de détecter précocement toute anomalie, nécrose, garantissant ainsi une qualité optimale dès la phase de production.
L’innovation ne s’arrête pas à la greffe. Le développement d’un système racinaire performant est crucial pour assurer la résistance des plants face aux stress hydriques et climatiques. Vitis Optima mène des recherches approfondies sur l’optimisation des racines, notamment à travers des techniques de culture spécifiques. Ces recherches restent en partie confidentielles. Cette approche sera testée dès 2026 sur les parcelles de vignerons partenaires, avec une première commercialisation des plants prévue en 2027.
 
La culture hors-sol : une avancée mondiale pour la viticulture
L’innovation la plus ambitieuse de Vitis Optima réside dans la mise en place d’une culture hors-sol contrôlée en milieu confiné. Cette méthode, inspirée de l’aéroponie (où les racines des plantes restent en suspension et sont nourries par une pulvérisation de nutriments), permet de maîtriser entièrement les conditions de développement des plants. Ces expériences seront menées sur plusieurs années pour affiner encore davantage la tolérance des plants au stress environnemental. L’idée est de stimuler les vignes pour qu’elles développent naturellement des défenses face aux maladies et aux changements climatiques. En s’appuyant sur les principes de l’immunologie végétale, Vitis Optima espère que ses plants pourront produire des molécules de défense en réponse à des stimuli environnementaux contrôlés, assurant ainsi une meilleure adaptation aux conditions futures.
Dans des caissons climatiques, véritables nurseries de la vigne, chaque paramètre est finement ajusté : humidité, température, lumière et apport en nutriments. Ces enceintes permettent d’habituer progressivement les plants aux conditions extrêmes qu’ils rencontreront en extérieur. La lumière, par exemple, est reproduite grâce à des LED imitant le spectre solaire (UVA, UVB, infrarouge et lumière rouge), tandis que des variations de température allant de -10 °C à +60 °C simulent les conditions climatiques extrêmes. Les plants resteront quatre mois dans ces nurseries climatiques avant d'être transplantés sur le terrain, afin une adaptation optimale aux conditions réelles.
Grâce à cette technologie, Vitis Optima peut adapter ses plants aux réalités du terrain sans avoir recours à des croisements génétiques ou à des cépages hybrides. L’objectif est clair : préserver les qualités du pinot noir et du chardonnay tout en renforçant leur résilience face au changement climatique.
 
Un investissement d’avenir pour le vin de demain
Si la première phase de recherche et de production est déjà bien avancée, Vitis Optima voit plus loin. En 2028, l’entreprise prévoit la construction d’une usine à Beaune de 25 000 m² qui permettra de passer à la production industrielle pour produire jusqu'à 57 000 plants trois fois par an, soit l’équivalent de cinq hectares de vigne en Bourgogne, avec une possibilité d’extension ces recherches à d’autres régions viticoles comme Bordeaux ou l’Italie.
Avec un investissement total de 10 millions d’euros et un soutien de plusieurs vignerons bourguignons, Vitis Optima propose une nouvelle voie avec des innovations technologiques pour préserver l’identité des cépages tout en assurant leur survie face aux défis du XXIe siècle.
Vitis Optima souhaite également s’implanter durablement dans la vie locale et économique de Beaune. L’entreprise prévoit de nouer des partenariats avec les établissements scolaires et les étudiants de la Viti pour partager une partie de ses recherches et co-inventer des programmes pédagogiques. « Il est essentiel d’impliquer les jeunes générations et de leur transmettre les nouvelles avancées scientifiques qui façonneront la viticulture de demain », affirme Loïc Collet.
Si le projet tient ses promesses, il pourrait bien redéfinir les standards de la viticulture mondiale et offrir une alternative durable et efficace aux menaces qui pèsent sur le vignoble.

Jeannette Monarchi