BEAUNE
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » : La Croix Vivante, une allégorie vibrante du passage de la mort à la vie
Par Jeannette Monarchi
Publié le 30 Avril 2025 à 07h13

À l'occasion des vacances de Pâques, période célébrant la résurrection du Christ, le Musée des Beaux-Arts de Beaune révèle un trésor mystérieux : « La Croix Vivante », une crucifixion singulière du XVIᵉ siècle, où les bras de la croix deviennent acteurs du salut.
Pendant ces vacances de Pâques, qui célèbrent pour les chrétiens la résurrection du Christ, le Musée des Beaux-Arts de Beaune dévoile l'une de ses œuvres les plus fascinantes : « La Croix Vivante », tableau peint sur bois du XVIᵉ siècle. Grâce à Delphine Cornuché, responsable des collections, ce chef-d'œuvre exceptionnel retrouve la lumière, poursuivant la série « Trésors cachés ».
Un chef-d’œuvre rare et singulier
Peinte à l'huile sur trois planches de bois assemblées, « La Croix Vivante » se distingue immédiatement par son iconographie unique : la croix n’est pas simplement un instrument de supplice, elle devient une entité active, dotée de bras humains accomplissant divers actes. Cette vision inhabituelle, presque fantastique, donne au tableau son nom mystérieux.
D'une taille imposante – 125 cm de hauteur sur 97 cm de largeur sans le cadre, et 141 x 117 cm avec cadre –, l’œuvre frappe par son poids autant que par sa puissance visuelle.
L’œuvre a été acquise par Alexandre du Sommerard, amateur et collectionneur passionné du XIXᵉ siècle, bien que l’on ignore précisément où et à quelle date il l’a obtenue. Né en 1779, du Sommerard s'engagea comme soldat volontaire à seulement 14 ans. Une fois revenu à la vie civile, il devint conseiller à la Cour des Comptes. Il consacra ensuite l'essentiel de sa fortune à constituer une vaste collection, dans l'esprit d'un cabinet de curiosités.
Au départ, ses collections portaient principalement sur les sciences naturelles, avant de s’élargir progressivement aux arts (dessins et peintures, y compris d'artistes contemporains comme Delacroix). Très rapidement, il développa une véritable passion pour l'art du Moyen Âge et de la Renaissance.
En 1833, il s'installa dans l'ancien hôtel particulier des abbés de Cluny, à Paris, où il déploya sa collection, notamment dans les salles consacrées aux arts médiévaux.
À sa mort en 1842, l'État racheta l'ensemble de ses collections, constituant ainsi le noyau du futur Musée de Cluny-Musée national du Moyen Âge de Paris, inauguré en 1844. Son fils Edmond du Sommerard en devint le premier conservateur et continua d’enrichir les collections, notamment en céramiques, jusqu’en 1884.
Le tableau de « La Croix Vivante » fut déposé par le musée du Louvre au musée des Beaux-Arts de Beaune en 1896. Resté dans les collections beaunoises depuis cette date, il est devenu, en 2022, propriété de la Ville de Beaune.
Une œuvre au parcours complexe
Initialement attribuée à une école française du XVIIᵉ siècle, la datation et l’origine de « La Croix Vivante » ont été régulièrement révisées. Dès 1971, Pierre Rosenberg, historien de l’art et directeur du Louvre, avance une hypothèse audacieuse : il s'agirait d’une icône tardive de l’école crétoise du XVIᵉ siècle. L'analyse du support en peuplier, très courant en Méditerranée, vient appuyer cette théorie.
Restaurée en 1959 puis entre 1992 et 1998, l’œuvre conserve encore aujourd'hui toute sa force évocatrice.
Un récit visuel riche et codé
La composition, savamment structurée, invite à une lecture en deux axes, horizontale et verticale, révélant une théologie de la Rédemption en images. Au centre de la composition trône le Christ crucifié, tandis que différents registres s’organisent autour de lui selon une stricte symétrie, véritable clé de lecture de l’œuvre.
En lecture horizontale, à gauche du Christ, l’un des bras de la croix brandit un glaive qui vient trancher l’épaule d’une femme aux yeux bandés, juchée sur un âne où se tiennent sur sa croupe des têtes de rats. Cette femme tient un étendard brisé orné d’un scorpion, animal associé à la trahison. Il s’agit d’une personnification de la synagogue, une représentation symbolique du peuple juif et de l’Ancien Testament, conforme aux codes iconographiques du Moyen Âge. La femme aveuglée exprime l’incapacité du peuple juif à reconnaître le Messie annoncé.
En opposition, à la droite du Christ, une jeune femme, symbole de l’Église triomphante, se dresse face à la synagogue. La croix, par l’un de ses bras vivants, s'apprête à la couronner. Elle est vêtue d'une somptueuse robe de brocart rehaussée d'une cape orange dorée. Dans sa main droite, elle tient un calice destiné à recueillir le sang du Christ, tandis que sa main gauche est posée sur son cœur, geste de foi et de dévotion. Autour d'elle, les quatre évangélistes — saint Jean avec son aigle, saint Matthieu avec son ange, saint Marc avec son lion et saint Luc avec son taureau — lui présentent les Évangiles, symboles de la « nouvelle loi » instaurée par la mort du Christ. Cette scène illustre parfaitement les codes médiévaux en matière d’iconographie religieuse.
L'opposition entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance est également renforcée par l'imagerie des rameaux de vigne courant le long de la croix : à gauche du Christ, les rameaux sont desséchés et fanés, tandis qu'à droite, ils sont florissants et chargés de grappes de raisin, symboles de vie et de salut.
Verticalement, la croix unit les cieux et les enfers
En haut, un bras remet la clé de la Jérusalem céleste, dont les portes sont prêtes à s’ouvrir.
En bas, sous les pieds du Christ, un bras surgissant de la croix brandit un marteau dirigé vers les limbes et l’enfer. Là, Satan, ou un diable noir, apparaît enchaîné à la croix, dans une allusion directe au Livre de l'Apocalypse, où il est dit que le démon sera lié pour mille ans. Autour de lui, les âmes des justes, représentées en prière, attendent leur délivrance, rendue possible par le sacrifice du Christ — une nouvelle affirmation de la « nouvelle loi ».
À la base de la croix repose un squelette, identifié comme celui d'Adam, premier homme selon la Bible. Il rappelle que la crucifixion a eu lieu sur le Golgotha, lieu considéré comme l’emplacement de la tombe d’Adam.
Sur la droite, Ève est également représentée, nue, tandis que d'autres figures bibliques — prophètes et patriarches — se tiennent en position de prière, mains jointes. Parmi eux, on reconnaît Noé portant son arche, ainsi que le roi David, identifiable à sa couronne.
Une iconographie rare et fascinante
La vivacité de cette croix est une représentation peu commune. Quelques autres œuvres similaires sont connues : une croix vivante conservée à Toulouse dans une collection privée très proche de celle du Musée des Beaux-Arts, une fresque signée Benvenuto Tisi dit Il Garofalo à la pinacothèque de Ferrare (Italie), une croix peinte par Hans Fries vers 1510-1512 au Musée de Fribourg, une fresque au Tyrol datée du XVIᵉ siècle. Chacune, à sa manière, témoigne de cette volonté de montrer une croix agissante, instrument direct du salut.
Un trésor du regard et de l’âme
« La Croix Vivante » du Musée des Beaux-Arts de Beaune offre aux visiteurs une plongée bouleversante dans l’imaginaire religieux du XVIᵉ siècle, où l’art ne se contente pas de représenter : il devient acteur du récit divin. Une œuvre troublante et émouvante, parfaite pour ce temps pascal dédié à la renaissance et à l’espérance.
Jeannette Monarchi
Rendez-vous en mai pour découvrir un autre « Trésor caché » : le cahier de croquis de Félix Ziem, figure marquante de la peinture du XIXᵉ siècle.


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